Voici voilà, je voulais mettre noir sur blanc le récit de cette petite balade en Italie d'octobre 2023 (avec du retard pour la partie 2 et 3...). En toute humilité, ça reste à ce jour dans mon top 5 des plus gros défis physique et mental et une de mes plus belles expériences sportives à vie. Les prochaines lignes vous donneront un accès au premier rang des péripéties avant, pendant et après l'événement.
(Suite et de la partie 1 et 2)
Je rejoins deux coureurs dont l’un d’eux vide sa bouteille dans la mienne et me sauve littéralement de la sécheresse, une vraie erreur de débutante. De temps en temps on entend les sirènes des ambulances pour venir ramasser les coureurs qui ont abandonné. Impossible que je finis là-dedans! J’ai plus que la moitié de faite, on est dans le bois et je trouve ça bien beau feck let’s go!
14h27 / KM #34.6 = 3e Ravitaillement – (6h33 de course)
IL ÉTAIT TEMPS! Trois heures depuis que j’avais rempli une seule gourde. Je ne sais pas dans quel monde j’étais au 2e ravito, mais je n’ai pratiquement pas arrêté et mes réserves étaient à sec. Je suis en débat à savoir si je change de bas. On dirait que j’aime mieux ignorer les ampoules, car une fois que j’enlève mes souliers, je ne voudrai plus les remettre. C’est fâchant d’avoir traîné la 2e paire pour rien (un gros 0.2lbs). Encore rien qui me tente niveau menu non plus. Même si c’est interdit, je sors mes écouteurs, il reste 20 kilomètres!
Quelques mètres plus loin, on passe près d’un château avec vue sur un village entier. Il y a plein de touristes (qui sont venus en autos) et je me fais une note mentale de vérifier l’historique du monument populaire (je n’ai toujours pas regardé d’ailleurs). Quelqu’un me fait signe de m’approcher… oups il va me chicaner parce que j’ai mis mes écouteurs? Il tend son micro et juste en arrière de lui un homme balance une grosse caméra sur son épaule. J’ai des grands yeux de Bambi devant des lumières de chars quand il me demande si je parle italien. English or Français dis-je ? Il me pose une première question en Français (ok oufff). Il se retourne à la caméra pour traduire en Italien… (OK c’est liveeeee là)!
Il me présente comme coureuse de France ... je le coupe … Canada! Il rit quasiment trop fort, il ne doit pas être un grand fan de la France ? Les questions s’enchaînent et il traduit aux auditeurs. Autant que je suis calme avec mon sens de la répartie taquin habituel, autant que je suis distraite en pensant aux coureurs que je vais devoir rattraper qui profite de mon 10 min de ‘’fame’’ pour me dépasser et aux Italiens qui vont voir la Newbie canadienne dans leur écran et rire de mon accent… 😊
15h30 / KM #42 = FACETIME - (8h15 de course)
Un peu décourageant de quitter le bord de l’eau pour rentrer dans la montagne à nouveau quand tu sais que le fil d’arrivée c’était en ligne droite, juste là-bas en longeant le lac…
Comme on a du réseau j’en profite pour lire quelques mots d’encouragement que j’ai reçu depuis 24h. Ça me m’encourage VRAIMENT, même l’insulte du Douanier ‘’T’a pas encore fini, t’es dont ben pas vite?’’. THANKS. Je Facetime Annie, inquiète de ne pas encore avoir fait pipi après 8h à boire sans arrêt. En tant qu’infirmière, elle me rassure. Ça l’air que ça s’évacue toute par la sueur. Je suis en train de courir sur des petites roches que je sens sous mes pieds alors on échange deux trois mots d’église ensemble. Mon autre Facetime est avec Tommy et une coupe de personne du groupe de 10h du Mistral qui semble bien fier que je sois 283e sur 350... C’est mieux qu’avant-dernière, mais je vais essayer d’aller en dépasser quelques-uns!
Je vois un homme assis sur une pierre, pencher avec les mains dans le visage. Ouff il a l’air d’avoir mal. Je m’approche pour lui demander s’il a besoin de quelque chose. Il lève la tête pour me répondre. C’est l’homme spaghetti par excellence avec un H majuscule! Lui qui, une vingtaine de kilomètres avant, m’a snobé en me dépassant durant la descente. Ah ben caline… je ne veux pas me réjouir de la défaite des autres, mais ça m’a donné un petit sourire en coin pareil. Les épaules larges qui pognent dans le vent et de loin les jambes les moins effilées de la gang vont la franchir la ligne d’arrivée! Je fly à travers le 4e et dernier ravitaillement. Il reste 10km pas le temps de niaiser!
LE FIL D’ARRIVÉE
Le temps est au ralenti, je commence à me sentir fragile mentalement. C’est une question de temps avant que ma tête laisse mon corps me lâcher. La pluie est sur le point de refaire son apparition on entend les nuages gronder. Une seconde je suis dans mon ‘’happy place’’ dans ma tête et la seconde suivante je ne le suis plus. Est-ce que c’est là que je vais pogner le fameux mur dont on m’a parlé?
Les derniers kilomètres sont sur le trottoir longeant le lac (Lago d'Orta). Un coureur est très loin devant, personne derrière moi qui risque de me dépasser, quoique j'ai aucune idée où je me situe en termes de position, mais je crois en avoir dépassé quelques-uns. Quelques coureurs ayant terminé marchent en sens inverse avec leur famille et ami. Enfin des visages qui nous encouragent. Ça me donne un ‘’deuxième’’... souffle....
Ok et il y a quelques niaiseux qui ne semblent pas au courant qu’il y a une course et prennent tout l’espace sur le trottoir en bloquant le passage. DÉGAGES! Je me sens en pleine forme, contente d'être revenu sur du plat. Je file à toute allure (dans ma tête, je viens quand même juste de faire 54 km en montagne). Comment ça se fait que j'aille encore autant d’énergie, quand il y a 15 minutes j’ai fleureté avec la ‘’dark zone’’?
J’entends l’écho de la voix au micro qui annonce les coureurs ayant terminé. Je peux apercevoir un rassemblement au loin, la musique et le brouhaha du fil d'arrivé, exactement où on commencé ce matin. Je me demande si Will est bien loin ? Ça doit pas être évident de se timer, lui qui n'a pas réussi à trouver du wifi facilement selon un de ses messages un peu plus tôt aujourd'hui et en plus je m'apprête à finir plusieurs heures d'avance sur mon temps anticipé! Ce serait dommage qu'il m'ai attendu toute la journée pour manquer mon arrivé....
Ohhh, je reconnais cette démarche au loin!? Un gars avec un t-shirt jaune et des shorts rouge-rose (ça fit pas tant)... c'est sûr que c'est Will! Wow parfait timing, c'est quoi les chances!!! Il ouvre son cell pour me filmer, j'ai le sourire jusqu'au front. Je lui garoche à côté de lui par terre un sac de plastique avec des collations, vue que ça fait des heures que j’espérais me débarrasser de ce poids en trop.
''Je te rejoins au fil d'arrivé'', me cri-t-il après que je l'aille dépasser de mes jambes qui avancent seules. Je fais mon chemin sur la balustrade, l'animateur me nomme avec un peu plus de flafla que d'autres. Semble que mon nom de famille soit amusant à prononcer! C'est aussi que je suis l'une des deux seuls coureurs canadiens présentent à cette course (la seule femme canadienne aussi!). Animateur'' Et voilà qui arrive la Québécoise Katherine WAAANNNAAMMAKKERRR! Blablabla… (j’ai pas tout compris c’était à moitié italien à moitié anglais) ‘’joke sur le Mont-Tremblant’’ .... (s'il savait que les Îles c'est beaucoup plus loin et beaucoup plus flat que le Mont-Tremblant il pognerait un petit deux minutes certains!)
17h55 - KM #55 !10h12 minutes !
J’ai sangloté un peu quand Will m’a serré. C’est drôle parce que je me sens quand même très bien physiquement, mais j'imagine que le mental est fatigué. Il avait une mission : m’apporter mes sandales addidas ultra confo direct à l’arrivée. (ah pi m’acheter de la focaccia pour manger post course, on est quand même en Italie!). Je grimace en enlevant mes souliers et mes bas. La moitié de mes orteilles sont bleus-mauves et il y a quelques ampoules, mais presque rien considérant!
On se reconnait entre coureurs, on boîte, quasiment à croire qu’on a fait du rodéo sur un taureau pendant 24h. Les goûtes de pluie commencent à tomber, rafraichissante quand même. Je rentre dans le chapiteau du ‘pasta party’’. Une bière ou une coupe de vin et un plat de pâte pour tous les participants. OKKK 100x mieux qu’une banane. Je prends 2 gorgées et 2 bouchées, mon estomac sur le bord de lâcher. Il pleut extrêmement fort donc Will qui est parti chercher la van ne pourra pas finir mon assiette... encore un buffet gaspillé!
23h00 / Vestiaire du Centre Sportif - Omnega
J'ai plus de plaies que je pensais, surtout dans le dos où s’attache mon top de sport. L'eau tiède de la douche me brûle la peau, probablement à cause de la couche de sel sur ma peau. Je me tortille en poussant un ‘’isshhhh’’’, quasiment surprise d’avoir réussi à bloquer cette douleur-là pendant que je courais. Ce sont des douches communes, aire ouverte sans séparation avec le reste du vestiaire. Chacune semble timide de voir le set-up qui nous donne aucune intimité, mais en même temps il ne faut pas être gêné, notre corps vient de réussir un bel exploit!
Je m’allonge sur mon lit dans la van. Chaque bout de tissu qui effleure mes pieds ou mon dos me fait grincer des dents. Mes jambes sont lourdes et je sens mon coeur battre dans mes mollets. Je me lève, j'ai au moins 100 mètres à faire pour aller faire pipi dans le Centre sportif. Je n’ai pas fait pipi pendant dix heures, mais là je dois y aller au 15 minutes!
Il approche minuit, le temps limite donner pour que les coureurs terminent le parcours. Moi qui pensais être complètement à bout, vidé de toute mon énergie, mais pourtant je ne m'endors pas. Je m’enfile quelques Pringles et je sirote de l'eau et j’encourage les derniers coureurs qui passent par ici sous la pluie avec leur lampe frontale. Je me dis que je ne voudrais pas être à leur place!
Le lendemain matin mes jambes fonctionnent toujours, j'ai hâte de continuer le voyage et je suis même prête à hiker (mais je vais me laisser une journée). On prend le temps d'enjoy une dernière fois le site avant de reprendre la route pour les Dolomites!
*** Prochain défi:
Départ le 9 juin 2024 des Îles jusqu'à Percé à vélo (900km)
Course de Ultra Trail ''Gaspésia '' de 80km le 15 juin
Finir le tour de la Gaspésie à Vélo jusqu'à Québec (1000km) avant le 23 juin
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